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LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE A MANQUÉ DE RASSURER LES POPULATIONS…

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Sur la sortie du Ministre de l’agriculture sur le glyphosate, Dr Mohamed Paul Tossa exprime son insatisfaction

La sortie du ministre en charge de l’agriculture sur le glyphosate n’a pas rassuré le Médecin de Santé Publique et de toxicologie, évaluateur des risques sanitaires environnementaux Dr Mohamed Paul Tossa. Il estime que ses explications manquent de données renseignées et ne rassurent pas vraiment les populations. (Lire son opinion).

Mes réflexions suite à la sortie du Ministre de l’Agriculture pour rassurer les populations

Je ne pensais plus reprendre la plume sur ce dossier mais les réactions suscitées de part et d’autres par mon premier article et l’actualité dominée par la sortie du Ministre de l’Agriculture m’amènent à clarifier certaines choses. Ne pas le faire serait faire preuve d’irresponsabilité de ma part. Sans chercher à revenir dans les détails sur les insultes dont j’ai été l’objet, j’espère que les auteurs de ces insultes trouveront dans cet article des réponses à ce qui a motivé ces comportements de bas niveau. J’ai échangé dans le calme et dans le respect avec des personnes ne partageant pas mon point de vue sur cet article et qui m’ont fait connaître les raisons de nos divergences. Nous ne sommes sans doute pas tombés d’accord, mais nous nous sommes expliqués et ceci dans le respect des uns et des autres. Je resterai ouvert à toute discussion du moment où les échanges se feront dans le respect et la courtoisie.

Avant de donner mon point de vue sur la sortie de M. le Ministre de l’Agriculture, je voudrais faire savoir le sens général à retenir de mon premier article. Je n’ai jamais dit que le glyphosate n’était pas dangereux. J’ai été clair dans le contenu de l’article. Le glyphosate n’est pas reconnu comme un cancérigène certain à ce jour. C’est bien ce que j’avais écrit ; mais ceci ne veut pas dire que le glyphosate n’est pas un produit dangereux. La dangerosité d’un produit ne tient pas uniquement à son caractère cancérigène. Un produit qui donne de l’asthme est un produit dangereux, de même qu’un produit qui donne de l’eczéma. Par ailleurs, comme j’ai eu à le dire sur un forum WhatsApp, « la non-démonstration de la cancérogénicité d’un produit ne signifie pas que le produit n’est pas cancérigène, à moins de faire la démonstration de sa non-cancérogénicité ». Ce qui veut dire en termes clairs, que ce n’est pas parce que le glyphosate n’est pas reconnu cancérigène certain aujourd’hui qu’il ne le sera pas un jour. C’est une question d’accumulation de données scientifiques qui permettent d’avoir des connaissances solides. Mais je n’acceptais pas l’idée qu’on utilise des arguments non scientifiquement valables, de mon point de vue, pour véhiculer dans l’opinion publique que le glyphosate était reconnu comme cancérogène certain. C’était la porte ouverte à toutes les dérives et l’objectif de mon article était tout simplement de rendre justice à la science. Voilà l’idée principale qu’il fallait retenir de l’article.

Avant d’aborder la sortie du Ministre, je voudrais aussi rappeler qu’à la fin du premier article, j’avais écrit ceci : « …je ne me prononcerai pas sur l’interdiction ou non du glyphosate au Bénin, car je ne maîtrise pas les contours de son utilisation, mais la polémique suscitée par l’affaire glyphosate doit, à minima, conduire les autorités à mettre en place une véritable étude de traçabilité des usages et des conditions d’exposition des populations. Il n’y a que de cette façon qu’on déterminera les véritables risques. Ne rien faire est aussi irresponsable que les réactions sans fondement scientifique qui exigent l’interdiction pure et simple. Une étude d’évaluation des risques sanitaires doit être conduite parallèlement à une étude d’impact (socio-économique) de son interdiction ». J’ai mis en gras ce qui me paraît important dans ce passage. J’y reviens dans le chapitre ci-dessous.

Mon point de vue sur l’intervention de M. le Ministre de l’Agriculture

Je commence par remercier M. Le Ministre d’avoir voulu rassurer les populations vis-à-vis des dangers du glyphosate. Mais je n’ai pas été personnellement rassuré. Dans son intervention, M. le Ministre de l’Agriculture a affirmé que le glyphosate n’a jamais tué au Bénin et a justifié la non-dangerosité du produit par une classification de l’OMS sur les pesticides. Je ne suis pas du tout un spécialiste des pesticides. Je suis un spécialiste de la sécurité sanitaire environnementale et mes activités concernent tous les types de produits du moment où ils peuvent entraîner une atteinte sanitaire. Mes domaines d’activités peuvent concerner l’eau, l’air, les aliments, les médicaments… ainsi que tous types de risques qu’ils soient chimiques (y compris les pesticides), physiques (le bruit, les radiofréquences de la téléphonie mobile) et microbiologiques… Je n’avais donc pas connaissance de la classification utilisée par M. le Ministre pour justifier de la non-dangerosité du glyphosate pour rassurer les populations. Mais ce sont des notions qui sont à ma portée et j’ai donc fait une recherche sur la classification afin de voir les critères qui ont permis de l’établir. Vous pouvez consulter le document, en Anglais, de l’OMS sur le sujet en suivant ce lien

http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/44271/9789241547963_eng.pdf?sequence=1&isAllowed=y

Pour faire simple, il s’agit d’un document établi pour la première fois en 1975 et actualisé pour la dernière fois en 2009. La classification du CIRC en cancérigène 2A date de 2015. Je pense déjà qu’il y a une classification plus actuelle que l’autre. Mais là n’est pas encore la question. Je vous livre ci-dessous un passage en Anglais tel que formulé dans le document, passage que je traduis juste après :

The hazard referred to in this Recommendation is the acute risk to health (that is, the risk ofsingle or multiple exposures over a relatively short period of time) that might be encounteredaccidentally by any person handling the product in accordance with the directions for handlingby the manufacturer or in accordance with the rules laid down for storage and transportationby competent international bodies

Ce qui veut dire : « Le danger mentionné dans la présente Recommandation concerne le risque aigu pour la santé (c’est-à-dire le risque d’expositions uniques ou multiples sur une période de temps relativement courte) pouvant survenir accidentellement chez toute personne manipulant le produit conformément aux instructions de manipulation fournies par le fabricant ou conformément aux règles établies pour le stockage et le transport par des organismes internationaux compétents ».En termes clairs, les recommandations qui ont conduit à établir la classification utilisée par le Ministre font référence à des expositions aiguës, notamment accidentelles. C’est-à-dire, quel est le risque lorsque par accident, vous ingérez (ou un enfant ingère) une quantité non négligeable du produit ? Ou encore, de façon accidentelle, quel est le risque si vous recevez le produit sur votre corps ? C’est vrai que le glyphosate dans ces conditions est beaucoup moins dangereux que d’autres pesticides comme les carbamates qui peuvent envoyer une personne en réanimation pour ces cas d’exposition accidentelle. Mais sommes-nous en présence d’une telle situation lorsqu’on parle de la cancérogénicité du produit où les expositions sont répétées sur plusieurs années ? Une exposition unique accidentelle ou des expositions répétées de courtes durées (en cause dans la classification utilisée par M. le Ministre) ne peuvent absolument s’appliquer à la situation actuelle ; et s’en servir pour dire aux populations que tout va bien me paraît une conclusion très hâtive sans une investigation préalable. Au mieux M. le Ministre ignore qu’il s’agit de deux choses différentes, au pire, il le savait mais a préféré jouer sur l’ignorance en la matière des populations.

Je vous livre également ci-dessous, en l’état, un autre passage du document :

… The classification criteria are guide-points intendedto supplement but never to substitute for special knowledge, sound clinical judgement orexperience with a compound. Reappraisal might be necessary from time to time.

Ce qui veut dire « … Les critères de classification sont indicatifs destinés à compléter, mais jamais à remplacer, des connaissances spéciales, un jugement clinique solide ou une expérience avec un produit. Une réévaluation pourrait être nécessaire de temps en temps ». Ce que je voudrais faire ressortir par ce passage est que, même dans le document, les Experts ont été prudents et disant clairement que les critères de cette classification ne peuvent absolument remplacer un jugement clinique solide et une expérience avec un produit. La classification n’a pas été actualisée depuis 2009, alors qu’il y a sans doute de nouvelles données sur le glyphosate depuis cette date.

De mon point de vue, l’intervention du Ministre n’est pas de nature à rassurer.

La question qui se pose est clairement celle de l’existence ou de la création d’une agence d’expertise en sécurité sanitaire environnementale. C’est cette agence qui doit conduire des travaux d’expertise sur la multitude de sujets de santé environnementale et fournir aux autorités des éléments d’aide à la décision. On ne s’improvise pas spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires environnementaux du jour au lendemain. C’est un métier et un domaine d’expertise. Tant que les autorités ne vont pas travailler à aller vers une traçabilité des usages du glyphosate au Bénin, tant qu’on ne fera pas une étude complète d’évaluation de l’exposition et de l’imprégnation des populations afin d’aller vers une véritable évaluation des risques, tout ce qui sera dit ne sera que de la distraction des populations face à un risque cancérigène suspecté, mais pas encore avéré. La mise en place de ces évaluations pourrait également contribuer au débat sur le plan international sur les risques liés au produit. J’invite donc les autorités à plus de responsabilité.

Dr Mohamed Paul Tossa, Médecin de Santé Publique et de toxicologie, évaluateur des risques sanitaires environnementaux

#ReporterBénin

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