Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail le 28 avril, nous avons abordé la problématique avec Serge Wilfried Adjalla, expert juridique droit des affaires et gouvernance risque et conformité.
RBM: Lorsqu’on parle de sécurité et de santé au travail que cela veut -il dire?
Toute activité recèle des risques. Tenez! Dans le monde, selon des chiffres de l’Organisation Internationale du Travail, plus de 2 millions de personnes souffrent d’une maladie professionnelle fatale; plus de 340 millions de travailleurs sont victimes d’accidents du travail; et plus de 360.000 familles ont perdu au moins un être cher qui leur a laissé un compagnon ou une compagne seul obligé d’éduquer et d’entretenir pour deux, les orphelins.
Et point n’est besoin de rappeler que chaque situation d’accident ou de maladie professionnelle met dans le désarrois, l’entreprise qui souvent, a du mal à se réorganiser très rapidement pour assurer la continuité des services. Donc à l’échelle de l’entreprise, les pertes économiques annuelles sont de l’ordre de 4% engendrée par l’avènement des risques professionnels.
Il est donc clair que les risques qu’un travailleur subisse un accident fatal ou invalidant (temporairement ou définitivement) ou encore vive les effets d’une maladie due à l’activité qu’il exerce journellement pour s’accomplir les besoins fondamentaux humains, soient pris très au sérieux. C’est en raison de cela que la Convention n°155 et la recommandation n° 164 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la Sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail a créé un cadre encourageant de mise en place des référentiels législatifs nationaux pour que finisse la fatalité dans le travail.
Les règles de la sécurité et de la santé au travail donc, sont un ensemble d’exigences levées en réponse aux risques professionnels (Accident du travail et maladies professionnelles) dont la mise en œuvre par les acteurs destinataires doit créer de meilleures conditions de vie au travail et enrayer les cas de sinistres évoqués plus haut.
RBM: Que vaut en Afrique là sécurité et la santé au travail quand le travail y est précaire ?
Alors! Pour répondre à votre question, admettons que nous sommes d’accord sur le contenu de la notion de précarité telle que vous en parlez! Est-ce en raison de ladite précarité d’un emploi, que le professionnel doit laisser sa vie en danger, voire en mourir? Au prix de quoi?
Le choix raisonnable et consciencieux est tout fait! C’est pourquoi la loi n°2017-05 du 28 août 2017 sur l’embauche et le placement de main d’oeuvre en République du Bénin, soumet le chef d’entreprise à une obligation dite de sécurité de résultat. C’est déjà en disposant en son article 3 alinéa 1er: « Tout chef d’établissement ou d’entreprise ou tout employeur recrute librement son personnel qui bénéficie des prestations de sécurité et de santé au travail ». Cela suppose qu’il est libre de passer ses accords de recrutement, mais quoi qu’il en soit, il doit faire bénéficier à l’agent recruté, des prestations liée à la santé et à la sécurité au travail.
Et l’article 182 de la loi 98-004 portant Code du travail dispose en son premier alinéa « pour protéger la vie et la santé des travailleurs, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures utiles qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise ». Il est intéressant de poursuivre à l’alinéa suivant qui vient donner des précisions sur ce qu’il doit faire notamment en terme d’aménagement sur les installations pour régler la marche du travail de manière à prémunir le mieux possible ses salariés contre les accidents, les maladies, pour un bien-être physique, mental et social.
La même disposition vient ici donner plus de précisions encore sur ce qui doit être fait et sur quoi cela doit porter et donc, je cite le troisième alinéa : « en particulier, les locaux doivent être tenus dans un état de propreté permanent » de quoi déjà commencer par créer les bonnes conditions de vie dans le milieu du travail. « Les machines, mécanismes, appareils de transmissions, les outils et engins mécaniques ou manuels, doivent être installés et tenues dans les meilleures conditions possibles de sécurité. Les moteurs et parties mouvantes des machines doivent être isolés par des cloisons ou barrières de protection, à moins qu’ils ne soient hors de portée des travailleurs.» Ces dispositions sont renforcées par plusieurs textes d’application, notamment l’arrêté n° 022/MFPTRA/DC/SGM/DT/SST portant mesures générales d’Hygiène et de Sécurité au travail.
C’est dire donc que toutes ces obligations auxquelles nous venons de faire allusion sont à la charge de l’employeur pour garantir toutes les conditions générales idoines pour que le travailleur ne se voit nullement exposé à des situations de danger susceptibles de nuire à sa santé, à son équilibre ou à sa vie.
RBM: Qu’est ce que la journée évoque fondamentalement ?
N’oubliez pas que nous avons parlé à la lecture des précédentes dispositions aussi bien des accidents, des maladies que de la nécessité d’obtenir au profit des travailleurs un bien être physique, un bien-être mental et un bien-être social. Cela veut dire que le législateur recherche un épanouissement intégral dans le poste de travail pour l’employé. Et comme l’un des problèmes majeurs des salariés, des travailleurs, c’est aussi la compétence, les aptitudes au travail, la manière d’utiliser les machines à leur disposition, il a été également fait mention de quelques exigences de formation à ce niveau. Ainsi, l’article 183 dispose, « tout employeur est tenu d’organiser une formation pratique et appropriée en matière d’hygiène et de sécurité au bénéfice des salariés nouvellement embauchés, de ceux qui changent de poste de travail ou de technique et de ceux qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d’une durée de plus de 6 mois». Il va s’en dire que des formations sont donc au profit de tous les nouveaux venus premièrement; deuxièmement, de tous ceux qui ont changé de poste ou de technique; et troisièmement, de ceux qui ont dû s’absenter de leur poste de travail pendant une durée de plus de 6 mois. Toutefois ce n’est pas tout, puisque nous sommes dans un contexte où les lois évoluent en raison des nouveaux développements et évolutions de la société il est prescrit à l’alinea 2 de la même disposition 183 que “cette formation doit être actualisée au profit de l’ensemble du personnel en cas de changement de législation, de la réglementation ou des procédés de travail”.
L’employeur doit également former des gens dans son équipe de travail ou dans son atelier, sur son chantier, en matière des soins de premiers secours. La loi exprime clairement que dès lors que travaillent en permanence plus de 25 personnes, 2 ou 3 travailleurs doivent être formés pour être prêts et aguerris, suffisamment compétents pour intervenir en ce qui concerne les soins de premier secours. Voyons donc clairement que l’employeur a un certain nombre d’obligations et notamment qu’il a d’autres obligations de prévention et de protection relatives à l’identification des risques, à la prise de mesures d’élimination de ces risques et au respect donc d’un certain nombre de principes généraux de prévention qui sont de rigueur.
Alors croyez-vous que tout ceci n’est pas pour le bien de l’employé et même de sa famille, quand bien même il trouverait son emploi précaire ? Cette journée permet donc de rappeller fondamentalement toutes ces exigences qu’aussi le gouvernement veille à faire respecter.
Aussi, la loi donne au travailleur les prérogatives nécessaires pour pouvoir alerter lorsqu’il détecte l’existence de dangers graves et imminents à son poste de travail. Il peut également au-delà d’utiliser le droit d’alerte, exercer son droit de retrait. Le droit de retrait est la situation dans laquelle l’employé qui aura des motifs sérieux et objectifs de croire en l’existence d’un danger grave et imminent à son poste de travail, de nature à ne pas lui permettre d’exécuter le travail dans les conditions de sécurité, de protection de sa santé sur le lieu de travail, de s’en dégager, de se retirer du poste de travail tant que les changements, les mesures d’amélioration nécessaires et de protection ne sont pas mises en place pour garantir la sécurité sur le poste de travail.
Alors voilà donc en gros quelques éléments qui mettent à la charge de l’employeur des obligations pour protéger les travailleurs et qui également mettent le travailleur face à ses responsabilités pour protéger sa propre vie et celle des autres autour de lui. Il ne convient pas de parler des obligations des travailleurs sans relever celle, non moins importante, d’utiliser convenablement le matériel de travail ainsi que celui de sécurité et de suivre les consignes de sécurité qui leur ont été prescrites.
Alors n’est-ce pas une bonne chose ?
Lorsqu’on commémore finalement la journée mondiale de la sécurité de la santé au travail, de mon point de vue, on a l’occasion de rappeler les règles et d’aider nos partenaires dirigeants d’entreprises et leurs personnels à se conformer aux diverses exigences en matière de prévention, de protection contre les risques professionnels et d’autres, avec des communications, des conférences, des ateliers d’identification et de maîtrise, des exercices de cartographie, des jeux de rôles et de simulation et j’en passe. C’est une occasion de réaffirmation de l’engagement à suivre des programmes internationaux tels que VisionZero de l’association internationale de la sécurité sociale (en anglais ISSA) sous l’égide de l’OIT. Nous le faisons parce que nous croyons que la promotion du bien-être, de la santé et de la sécurité au travail, est une exigence qui nous permet d’aider toute entreprise à atteindre ses objectifs de performances financière, déjà à partir de la relève des performances sociales. Le rendement social en est largement plus accru et sont également drastiquement réduits les taux d’absentéisme, de stress, de fatigue, de vulnérabilité et de démotivation. Le climat social s’en trouve fortement amélioré. Croyez-moi, les avantages sont plus importants pour les entreprises que les dirigeants ne peuvent s’imaginer. C’est pourquoi le succès de tels programmes dans les entreprises tient davantage dans l’engagement premier des employeurs; lesquels doivent montrer leur bonne volonté à mettre en place toutes les mesures préconisées et adaptées à leur situation pour garantir, à la fois, une bonne condition de vie dans le milieu du travail et des performances inégalées. C’est le lieu enfin de rappeler aux travailleurs qu’il est tant d’aimer pleinement leur travail et l’entité qui les emploi. Quand on a de l’amour pour ce que l’on fait, on produit de belles œuvres qui suscitent admiration et fierté, et quand on s’applique autant, il n’y a pas de risques d’erreur, de fautes et donc pas de responsabilité pour faute ou négligence entre autres. Il est donc tant d’assumer pleinement son rôle, d’exécuter son ouvrage dans les règles de l’art et ne pas se mettre en danger car les travailleurs sont les premiers responsables de leur propre sécurité et de leur santé. C’est cette valeur que nous partageons en telles circonstances !
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