DJ Région, LE DISQUE DUR DE LA MUSIQUE BÉNINOISE
Lundi 18 mai, je recherche désespérément un titre du chanteur béninois Rabbi Slo. Je fais appel à la magie de Facebook en publiant un post. Problème, je ne connais pas le titre de la chanson. J’ai juste quelques éléments approximatifs : il s’agit d’un morceau pour rendre gloire à Dieu; autre indice, les membres du groupe de musique Afafa apparaissent dans le clip. Très vite, trois amis commentent, non pas pour me proposer le titre, mais pour taguer une seule personne : Dossa NOUNAHON.
Le nom Armand Dossa NOUNAHON ne vous dira peut-être pas quelque chose mais si je dis DJ Région, la mémoire vous reviendra certainement, surtout si vous êtes un béninois de la diaspora.
Qui est DJ Région ?
Comme un caméléon, il se fond dans tous les univers, pour peu qu’une note de musique résonne ou que l’appel du rythme s’impose. Comme Obélix, il est tombé dans la potion de la musique étant petit et depuis, le virus ne l’a plus quitté. Très tôt, il trempe les pieds dans le ruisseau de la chorégraphie, écumant les scènes des collèges de la capitale et apparaissant régulièrement dans l’émission révolutionnaire de l’époque Star en herbe, sur LC2.
Il participe et remporte plusieurs concours de chorégraphie, travaille avec des artistes, avant de succomber à l’appel des sirènes de l’animation radio, avec des passages furtifs dans l’univers de la chanson et du slam. Mais c’est en tant que DJ que le jeune Dossa va se faire définitivement un nom au Bénin, avant de s’envoler pour l’hexagone avec ses platines.
La référence actuelle en matière d’archivage de la musique sur Youtube
Sur sa chaîne Youtube Dj Région , les titres qu’il a archivés, dont certains sont devenus introuvables sur le marché et dans la sphère musicale béninoise ne se comptent plus. Il a non seulement mis en ligne des titres, mais aussi de véritables compilations comme par exemple 100 % Apouké, 100 % Petit Miguelito, 100 % musique urbaine etc.
A la question de savoir s’il mesure à quel point son impact est important, il répond avec humilité : « avoir les sons de tous les artistes, c’est mon travail de DJ. J’ai remarqué qu’au Bénin, on n’a pas vite connu Youtube. Donc, de temps en temps, je mettais des sons sur Youtube, pour que les gens aient la nostalgie et se rendent compte qu’il y a des sons qui nous ont marqués. ».
A la question de savoir pourquoi il se dévoue à ce travail d’archivage, à notre Dj de poursuivre
« J’archive de la musique. Ça donne de la nostalgie. Il y a des messages que nos anciens artistes véhiculaient, et qui ne le sont plus aujourd’hui. (…) Il faut des archives pour avoir une continuité. Savoir où on en est, permettre à la jeune génération de s’inspirer des chansons de ses devanciers. Car, comme on le dit chez nous, c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. C’est très important qu’on ait des archives.
Les problèmes d’archivage : à qui la faute ?
« Il arrive que des artistes, anciens comme nouveaux, me contactent pour que je puisse leur envoyer une ou plusieurs de leurs chansons, dont ils n’ont pas gardé de copie. Mais ce n’est pas de leur faute, car le rôle d’un artiste, c’est de faire des chansons. » DJ Région préfère relativiser, plutôt que de jeter la pierre à quiconque. Le problème est aussi dû selon lui à la transition vers le numérique qui a souvent été difficile.
« A une époque, on enregistrait sur des disques de vinyle 36 tours, 45 tours, 78 tours etc. et les cassettes audio et vidéo, ensuite, on est passé au CD et DVD et enfin au numérique. Certains de nos anciens n’ont pas su gérer la transition avec le numérique. Nous avons une génération d’artistes qui n’a pas évolué avec les ordinateurs, les disques durs, les nouvelles technologies. A une époque, on n’avait pas les grosses maisons de production capables de faire le travail d’archivage. Certaines de nos grandes chaines de télévision et radio ont eu à perdre des archives importantes. »
La messe du 229, moment de communion avec les béninois de la diaspora
Chaque dimanche, il officie sur sa page Facebook Dj Région Officiel qui compte des milliers de mélomanes, alternant avec maestria entre les nouveautés de l’industrie musicale et les classiques qui ont bercé plusieurs générations. La messe du 229, pour reconnecter les béninois avec leur musique à laquelle il entend donner un nouveau souffle.
« Les ivoiriens ont des pages sur lesquelles ils parlent de leur musique. Ils ont des DJ et des chroniqueurs qui parlent de leur musique et qui font des choses. Mais sur la toile, entre béninois, on n’en a pas beaucoup ou pas. Quand tu rentres au Bénin après 10 ans de séjour en France ou aux USA, tu n’as pas l’opportunité d’écouter la musique béninoise dans les bars, qui privilégient la musique étrangère. Ce qui fait que pour certains béninois qui sont partis, la musique urbaine se limite à des groupes comme Ardiess ou H20, car c’est ce qu’ils ont connu et ils ne sont pas au parfum de toutes les nouveautés. C’est pour combler ce vide que la messe du 229 a été créée. »
Un artiste engagé sur le front de la valorisation de notre culture.
Pour lui, la culture ne se limite pas à la musique et au théâtre. La culture, ce sont aussi nos langues, nos cultes, nos religions traditionnelles. C’est pour cette raison qu’il se sent interpellé par tout ce qui se rapporte à la musique, mais aussi au patrimoine vodoun. Pour conclure, il nous confiera
« Les autres ne vont pas venir d’ailleurs pour valoriser la culture à notre place. C’est en partageant tout ce qui est relatif à notre culture ancestrale, au vodoun, c’est en faisant tout ça qu’on donnera envie aux étrangers, et même à certains béninois de venir toucher du doigt cette réalité. Même pour l’essor du tourisme, c’est important. »
Martial KOGON, Ecrivain
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