Le guide national de conduite du dialogue parents-enfants en matière de sexualité et de santé de reproduction se présente comme un outil adéquat pour éviter aux enfants adolescents certains pièges.
Un outil qui ne peut toutefois se révéler efficace sans l’implication effective des parents. Christelle Assogba Maillard, présidente de l’Association pour l’éducation, la sexualité et la santé en Afrique (Apessa), explique l’intérêt de cet instrument pour les cibles. Entretien.
La Nation : Le guide national de conduite du dialogue parents-enfants en matière de sexualité et de santé de reproduction, lancé récemment, table sur les notions d’éducation sexuelle au profit des jeunes apprenants. Qu’est-ce qui suscite une telle initiative ?
Christelle Assogba Maillard : Le guide vient compléter un ensemble d’initiatives que le gouvernement béninois, sur financement de l’Ambassade des Pays-Bas, a mis en place. Ces initiatives portent sur l’idée de l’introduction de l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires.
L’idée est partie du fait que nos enfants passent plus de temps à l’école qu’à la maison. Il est important d’assainir l’environnement dans lequel ils étudient et aussi de renforcer les capacités des enseignants qui ont à charge leur éducation afin de leur permettre d’avoir un comportement adéquat face aux questions de sexualité.
Il y a également l’initiative du plan de communication qui porte sur la nécessité d’expliquer à la communauté le bien-fondé de cet outil. Sa mise en œuvre implique plusieurs départements ministériels qui ont des charges identifiées en vue de l’aboutissement heureux du processus.
Le guide se focalise sur la sexualité des enfants. N’allez- vous pas trop vite en besogne, comme le pensent certains ?
Nous sommes tenus d’apporter l’information vraie aux enfants, aux enseignants et aux parents. L’enfant aura l’information sur la santé sexuelle et reproductive à l’école. Il va se retrouver en famille où des situations vont se présenter et le parent va devoir répondre à certaines de ses préoccupations.
Il importe que le parent puisse lui aussi trouver les mots justes pour expliquer certaines notions à son enfant. Le guide donne les moyens aux parents d’aborder une problématique face à une situation précise. Sachant qu’à l’école, les bases sont déjà jetées, la question ne sera plus nouvelle pour l’enfant à la maison.
Par contre, le parent peut être surpris de voir son enfant à l’aise de discuter de ces notions. N’oublions pas le facteur sociologique dans lequel nous vivions où nos parents et grands-parents n’avaient pas eu la chance d’aborder ce sujet avec les leurs. Le malaise face au sujet s’explique à deux niveaux : la sexualité est un sujet tabou, et regorge aussi d’autres paramètres.
Quand on parle de sexualité, il ne s’agit pas des rapports sexuels. C’est tout ce qui touche à la différenciation humaine. Du fait de cette différence, il y a des prédispositions naturelles qui s’imposent aux garçons et aux filles. Le guide permet au parent d’être à l’aise pour aborder avec son enfant tous les sujets relatifs à la sexualité, en tenant compte de l’environnement général dans lequel nous sommes et en ramenant l’enfant sur les bases des valeurs propres à sa famille.
Le phénomène du mariage précoce et forcé est très ancré dans certaines communautés. Votre initiative ne court-elle pas le risque de se heurter à des résistances ?
Certaines communautés traînent un bagage culturel qui nécessite aujourd’hui une remise en cause. La démarche ne consiste pas à décourager d’emblée ces pratiques. Il est important de leur faire comprendre que l’intérêt de leur changement de comportement profite à toute la population.
Dans ces communautés, le mariage précoce ne vise pas systématiquement à nuire à l’adolescente. Dans leur entendement, la jeune fille est suffisamment mûre pour être donnée en mariage après les premières menstruations. Il nous revient d’expliquer aux sages qu’une fille est trop jeune pour porter une grossesse et que le phénomène limite non seulement ses potentialités mais aussi celles de sa communauté.
Il est utile de leur expliquer que la jeune fille est un bijou à préserver jusqu’à l’âge de la maturité. Notre démarche vise à rassurer la population par rapport à l’inquiétude que pourrait susciter l’introduction de l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires, et aussi leur donner l’information juste sur les contenus de l’éducation à la santé sexuelle.
Etant donné que les enfants sont aguerris sur les notions relatives à la sexualité, n’est-il pas à craindre qu’ils s’adonnent délibérément à des pratiques malsaines ?
Votre préoccupation m’amène à caricaturer la situation dans laquelle nous évoluons actuellement. C’est comme si le parent se couvre avec un drap blanc transparent et voit au travers. Aujourd’hui, les enfants ont déjà l’information dans la rue.
Mais le fait d’en parler va changer la qualité de l’information qu’ils ont et la source de recherche de solutions. Compte tenu du fait que le sujet est tabou, il n’osera pas l’aborder en famille. Or, le fait de l’exposer en famille en toute confiance, le rassure et le préserve de certains pièges. Il faudrait que le parent retrouve sa place de guide et de protecteur des enfants.
Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. On ne doit plus laisser la rue éduquer l’enfant. Il faudrait que l’enfant puisse sentir la nécessité d’aller chercher l’information contradictoire au sein de sa famille. C’est en cela que le guide vient redonner la place du parent sur le plan de l’éducation sexuelle.
Autrement, les enfants se confient au voisinage qui lui donne plus que l’information recherchée ou à leurs camarades de classe qui vont jusqu’à leur faire des démonstrations. Les conséquences deviennent alors grandes.
Pourquoi avoir alors limité l’introduction des cours d’éducation sexuelle à 24 établissements, étant donné que le besoin est si important ?
Nous sommes au début. C’est une innovation. Il n’est pas dit que toutes nos propositions sont bonnes et utiles. Après l’essai, nous ferons une évaluation en vue d’apprécier et de renforcer certains aspects. Lorsque nous atteindrons les résultats escomptés, nous allons passer à la vitesse supérieure. Nous tenons compte du contexte socioculturel de chaque département.
Il est important de nous approprier l’information que nous donnons à l’environnement, pour permettre à nos cibles de s’identifier à notre travail afin de ne pas le rejeter. Je voudrais rassurer les parents sur le fait qu’ils doivent se sentir à l’aise dans ce processus pour discuter de ces sujets avec les enfants.
Qu’ils leur fassent ressentir qu’ils sont des individus à part entière et qu’ils n’ont pas besoin de ressembler aux autres. Les enfants ne doivent pas avoir la crainte de poser des questions sur la sexualité et la santé de reproduction. La génération actuelle souffre d’une crise identitaire. Mais pour qu’elle se sente en confiance, cela requiert l’attention et la responsabilité des parents.
Propos recueillis par Maryse ASSOGBADJO (La Nation)
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