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BÉNIN PRÉSIDENTIELLE 2021 : LE PARRAINAGE OU LA QUADRATURE DU CERCLE POLITIQUE

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Une élection présidentielle met en présence un citoyen-candidat face au peuple et au pays qu’il se propose de servir et de diriger. Elle donne l’occasion d’établir une relation personnelle quasi affective entre le candidat et le peuple. À l’épreuve du pouvoir, l’élu doit en être constamment conscient, s’il veut être un bon serviteur de son mandant. 

Désormais au Bénin, selon le code électoral en vigueur depuis novembre 2019, il en sera des citoyens-candidats comme il en est dans certains pays : un candidat titulaire et un candidat suppléant désignés sous l’expression “duo présidentiel” chez nous, “ticket présidentiel” ailleurs. Prochainement, ils seront donc deux à offrir leur disponibilité à nous servir. Cependant, avant l’élection, la personne de l’un n’est pas directement superposable à celle de l’autre. Le titulaire n’est pas et ne saurait être l’exact égal du suppléant. Des deux, il est le plus important ; sa personne, la plus déterminante. En effet, c’est lui le charismatique. Ou il doit l’être. Pourtant, de plusieurs points de vue, le parrainage politique que le code a exigé peut être nuisible à cet état de choses.

Rien n’est officiellement dit sur ce qui devra déterminer le choix des parrains

Alain ADIHOU, Les Silences de Alain

Pour ce parrainage, la commission électorale nationale autonome (CÉNA) a décidé d’appliquer la loi de façon à garantir la sécurité et la fiabilité de l’opération. Pour cela, tout doit se passer, se réclame t-elle, dans une certaine confidentialité. Confidentialité, pas opacité ! Car, rien n’est officiellement dit sur ce qui devra déterminer le choix des parrains. C’est seulement sous forme de rumeur qu’il circule dans l’opinion publique que les projets de société des duos présidentiels pourraient aider les parrains à faire leur choix. Rien par exemple sur comment la personne de chacun des membres d’un duo influencera la décision des parrains. Or, dans la réalité, il n’est pas illusoire que les parrains sollicités préfèrent voir les membres d’un duo dans un ordre différent de celui à eux soumis. En termes clairs, il peut arriver que dans un duo, le postulant candidat suppléant soit préféré par les parrains démarchés au postulant candidat titulaire du duo, et vice-versa. Et dans ce cas, si rien ne les y obligeait, les parrains sollicités pourraient souhaiter, voire imposer en catimini une permutation.

En effet, le risque est très grand de voir être durablement ruiné le fondement éthique, presque spirituel, de la démocratie dans notre pays : le consensus.

Le consensus impose la non-exclusion. Il a valeur constitutionnelle. Je rappelle ici que c’est au prix de plusieurs nuits de sacrifices, de débats houleux et de sursaut patriotique qu’il a été mis sagement en place par les pères fondateurs du Renouveau démocratique. Par le referendum de décembre 1990, le peuple seul détenteur de la souveraineté en régime démocratique l’a adopté et validé. Il ne peut pas, il ne doit pas, il ne peut jamais, être remis en cause par la classe politique nationale, encore moins une partie de celle-ci, sans consultation du peuple. Le faire est passible de parjure. Et il faut le rétablir très rapidement, très prochainement.

Une élection présidentielle est d’abord l’affaire de la personnalité d’un citoyen-candidat avant d’être celle d’un parti politique

Alain ADIHOU, Les Silences de Alain

Le parrainage dont le choix est fait dans le code électoral en vigueur cache à peine la politisation à outrance de l’opération et la perpétuation de l’exclusion sus-dénoncée. Le risque que cela peut entraîner est la déformation voire la ruine de la démocratie représentative pluraliste qui, jusque-là, garantissait l’avènement progressif de la démocratie participative citoyenne chez nous. Au lieu d’aller dans le sens de la promotion de cette démocratie, le parrainage politique opéré dans un couvent partisan renforcera ce que le régime actuel met peu ou prou en place au nom des actions de développement et que je me plais à appeler une “démocratie d’exclusion”. Celle-ci n’est qu’une pseudo démocratie, une véritable régression par rapport au choix fait en 1990 à la conférence nationale. Comme si la démocratie est antinomique du développement ! On doit alors se préoccuper de la possibilité de l’utilisation à outrance de ce pouvoir que les députés se sont conféré à l’occasion du vote dudit code.

En tombant dans l’excès ci-dessus soupçonné, les élus parrains se revendiquant tous d’une même obédience politique, se retrouveront en position de déterminer l’ordre dans lequel les citoyens-candidats à la magistrature suprême du pays seront mis dans un duo. Ainsi, ils finiront à imposer au peuple le candidat à la fonction présidentielle. Un tel excès en perspective n’est pas seulement une vue d’esprit, encore moins un cas d’école. Il constitue un potentiel abus anticonstitutionnel dommageable au pays et à sa démocratie. C’est donc maintenant que la CÉNA ou la Cour constitutionnelle doit prévenir cet état de chose. À cet effet, il suffit de faire les précisions utiles pour que l’ordre dans lequel les partis politiques ou les candidats indépendants présenteront les membres de leur duo présidentiel respectif soit scrupuleusement respecté par les parrains sollicités. Cette précision est d’autant plus justifiée qu’en démocratie, une élection présidentielle est d’abord l’affaire de la personnalité d’un citoyen-candidat avant d’être celle d’un parti politique.

D’un autre point de vue, la supposée sécurité des parrains que la confidentialité initiée par la CÉNA chercherait à assurer, ne garantit pas la décence qui doit être observée à l’occasion de l’opération. À sa manière, un député, qu’on ne peut pas considérer comme un exemple à suivre, a récemment posé le problème en ces termes : « le parrainage peut-il (doit-il) faire l’objet de négociation financière ? ».

La réaction de la CÉNA en la personne de sa vice-présidente était la bienvenue, mais elle reste insuffisante. L’absence d’une réponse officielle claire, qui précise la conduite à tenir, sera la porte ouverte à une grande corruption politico-électorale sur fond d’enrichissement illicite, donc malsain.

Il est vrai que le régime qui va à son terme en avril 2021 a clairement fait le choix de la suprématie de l’argent sur la personne humaine, confirmant ainsi le désert de valeurs morales et éthiques qui caractérise la gouvernance actuelle, absence de valeurs cardinales que le chef avait lui-même annoncée sous le vocable à peine voilé de « désert de compétences » !

La CÉNA ou la Cour constitutionnelle doit dire clairement que le parrainage devra se faire à titre gratuit, donc ne doit pas être onéreux. Si elle ne l’imposait pas, alors les irréductibles du chef de l’État ajouteraient ainsi un point objectif à l’argumentaire justifiant la nécessaire restauration de la démocratie au Bénin, notamment la restauration des valeurs qui en sont les fondements et les fondations intangibles.

Le piège le plus important que cache mal le parrainage politique exclusif, que les caciques du régime veulent imposer au peuple pour empêcher toute compétition transparente, réside dans la difficile résolution de la quadrature du cercle politico-partisan !

Au titre de la loi portant charte des partis politiques en vigueur chez nous, il existe actuellement au Bénin 13 partis politiques. Deux parmi eux participent directement aux affaires au côté du chef de l’État. Identitairement, ils paraissent deux, mais politiquement ils ne font qu’un. Trois autres partis politiques de la majorité présidentielle et se comportant comme tels, se situent à la périphérie du pouvoir. Les huit partis restants se réclament tous de l’opposition présidentielle, mais à degrés divers, soit opposition radicale, soit opposition modérée. Un dernier parti de cette famille politique est encore dans l’attente incompréhensible de sa reconnaissance juridique. En secret, sans encore prendre en compte les éventuelles candidatures indépendantes, que la loi n’interdit pas explicitement, toutes ces formations politiques souhaitent recourir au parrainage des élus.

En considérant d’une part que les deux partis politiques qui participent directement au pouvoir avec le chef de l’État se contenteront de n’avoir chacun que les seize parrains au moins exigés par la loi, et que d’autre part le parti FCBE qui a déjà six élus trouvera facilement les dix qui lui manquent pour avoir le nombre total de parrains nécessaires, il n’est pas farfelu de chercher à comprendre comment le reste du jeu se sera pour les autres candidats des duos présidentiels.

Le manque d’un député, non remplaçable pour raison de non disponibilité définitive, réduit déjà à neuf au lieu de dix le nombre de duos présidentiels à parrainer. Si, comme souhaité plus haut pour des raisons de morale, d’éthique et d’équité, l’argent était éliminé des critères et des  conditions de choix, il ne restera que l’affinité pour fonder la décision des parrains encore disponibles pour départager les duos présidentiels candidats au parrainage. Or, tout le monde le sait, l’affinité est par essence subjective ! Peut-être faudra t-il alors que, le moment venu, la CÉNA indique officiellement les dates d’ouverture et de clôture du parrainage ! Ceci aura au moins l’avantage de permettre aux duos présidentiels de concourir à l’opération comme on s’inscrit à un concours !

Les préoccupations exprimées dans ce texte montrent que la condition critique préalable pour que le parrainage soit mis en œuvre de façon transparente et non controversée n’est pas remplie. Cette condition est la présence effective de députés de l’opposition à l’assemblée nationale. Elle est une condition majeure.

En 2019, à l’occasion des élections législatives, le parrainage n’était pas à l’ordre du jour. Il n’était ni d’actualité ni en perspective. Il n’a fait irruption dans la tête des parlementaires qu’après leur installation au moment où il fallait réduire la caution à payer par les candidats à l’élection présidentielle. Ils ont décidé de faire passer cette caution de 250 millions de nos francs à 50 millions mais de trouver quelque chose pour limiter le nombre de candidatures. C’est alors que prit corps l’idée de parrainage. Cette façon de procéder à l’occasion de l’initiation des lois donne à croire que celles élaborées depuis 2016 sont de circonstances, donc sont de mauvaises lois, du moins pour la plupart.

La main sur le cœur, le chantre des réformes politiques pourra-t-il défendre devant le peuple que le parrainage qu’il a imposé dans le code électoral constitue une avancée ? S’il est vrai, tel qu’il l’a clairement prévenu, qu’il n’a pas besoin d’un bilan positif pour se faire réélire par ceux qui tomberaient dans son piège de séduction, il a quand même besoin d’un tel bilan pour entrer dans l’histoire du bon côté et faire inscrire son nom dans les glorieuses annales du pays, qu’il l’ai dirigé pendant 5 ou 10 ans. À l’heure du vrai bilan, l’histoire nous le dira.

Alain ADIHOU

#ReporterBéninMonde

 

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