Fin 2002, se sont tenues les premières élections communales et municipales au Bénin, et depuis lors deux autres s’en sont suivies. En cette année de renouvellement de nos élus communaux et municipaux, la rédaction du site reporterbeninmonde.com se propose de réaliser un dossier sur le parcours de la décentralisation effectué au Bénin, que pouvons-nous capitaliser et quels en sont les goulots d’étranglement ?
Établi entre autres comme principe par l’historique conférence des forces vives de la nation béninoise et formellement prescrite la loi N°2019-40 du 07 Novembre 2019 portant révision de la loi N°90-32 du 11 Décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, en son article 151, la décentralisation est un processus qui a effectivement pris corps au Bénin suite à la tenue en Décembre 2002 et Janvier 2003 des premières élections municipales et communales de l’ère du renouveau démocratique et est considérée comme une condition nécessaire pour le développement. Ce processus consacre non seulement une administration participative mais aussi le renforcement de la démocratie à la base. Même s’il est vrai que la décentralisation du pouvoir et de l’autorité depuis l’échelon central jusqu’au plan local importe beaucoup pour émanciper la population locale, cela ne garantit pas en soi l’émergence d’une gouvernance locale meilleure en général et une participation effective de la société civile aux activités de développement au niveau communal, en particulier.
Depuis l’accession du Bénin à l’indépendance, et au travers des différents régimes qui se sont succédés, le Bénin a connu une forte propension à la centralisation de la prise de décision tant sur le plan politique, économique qu’administratif. Cette concentration des attributs est un véritable frein au développement de la démocratie durable. Déjà que l’état béninois en ce moment a choisi de tourner dos à cette concentration à outrance, il faisait ses premiers pas dans la décentralisation. Au Bénin, la réforme de l’administration territoriale consiste à coupler la décentralisation et la déconcentration. Ces deux (02) différents concepts sont clairement indiqués dans le document de Politique National de Décentralisation et de Déconcentration (PONADEC). La déconcentration dans le contexte béninois consiste non seulement en un découpage des anciens départements en deux, passant ainsi de 6 à 12 mais aussi à un rapprochement des certains services de l’Etat central vers les populations dont la gestion ne peut être confiée aux collectivités locales. Les préfectures ne sont ni dotées de personnalité juridique, ni d’autonomie financière. Les pouvoirs de coordination des Services Déconcentrés de l’Etat (SDE) sont renforcés et le préfet devient l’unique représentant du gouvernement et de chaque ministre pris individuellement d’une part et l’autorité de tutelle des communes d’autre part. La décentralisation quant à elle, est un concept fondé sur deux éléments à savoir l’auto administration des collectivités locales et l’abandon au profit de ces dernières de certaines prérogatives par le pouvoir central. Dans le contexte qui est le nôtre, la décentralisation implique la transformation des anciennes sous – préfectures en communes autonomes, c’est- à- dire dotées de personnalité juridique, d’autonomie financière et gérées par des organes élus que sont les maires et les conseillers. Après 17 années de pratique de la décentralisation quel état des lieux pouvons-nous faire ?
Un Arsenal Juridique Renforcé
Certes au bout de plus de 17 années, nos communes ont changé de visage. Ce changement ne retrace pas forcément un mieux-être au niveau des populations encore moins une amélioration de leur cadre et de leur condition de vie. Mais de véritables pas ont été franchis afin de doter ces nouvelles entités d’un corpus de textes juridiques pouvant leur permettre de gérer aux quotidiens les situations. Entre autres, on peut noter le vote des lois portant statut du secrétaire général des mairies, d’une première loi portant code des marchés publics au Bénin et vu l’évolution du contexte économique et des normes de transparence, cette loi a été revue et corrigée (la première est la loi N°2009-02 du 7 Août 2009 portant code des marchés publics et délégations des services publics en République du Bénin et la seconde, la loi N°2017-04 du 19 Octobre 2017 portant code des marchés publics en République du Bénin) ; de la loi N°2013-01 du 14 Août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin et de la loi N°2017-15 modifiant et complétant la précédente, et la liste n’est pas exhaustives. Notons aussi que ces différentes lois avec le temps ont été accompagnées des différents décrets d’applications permettant une utilisation effective de ces diverses dispositions juridiques. Au-delà des lois qui sont nombreuses, reconnaissons-le, nous avons la création de la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) qui est une direction sous la tutelle du Ministère en charge de la Décentralisation et qui accompagne les collectivités locales dans leur fonctionnement et leur apporte des appuis-conseils.
Un Appui Croissant de l’Etat aux Communes
L’Etat béninois est souvent indexé pour ses faibles apports aux nouvelles entités crées sur les cendres des anciennes sous-préfectures. Conscient de leur besoin pressant de ressources afin de se substituer à l’état dans la résolution des différents problèmes liés aux quotidiens des populations, le gouvernement a institué le Fonds d’Appui au Développement des Commune (FADeC). Ces fonds alloués de façon annuelle aux communes couvrent tant les dépenses d’investissement (destinés à la communauté) que le fonctionnement (destiné aux mairies pour faire face à leur besoin en fonds afin de satisfaire sinon d’alléger le poids des dépenses de fonctionnement). La particularité de ces fonds est qu’au fil des années l’Etat a décidé dans le but d’un transfert de compétences de les répartir par secteur d’intervention, par exemple l’agriculture (FADeC Agriculture), l’enseignement maternel et primaire (FADeC MEMP), le cadre de vie et le développement durable (FADeC MCVDD), les infrastructures (FADeC MIT) etc. Ce qui dans notre contexte, est un moyen pour l’état de responsabiliser les communes qui par le biais de leurs administrations et de leurs conseils communaux appréhendent mieux les besoins de leurs administrés que l’état central. Notons l’existence d’une ligne d’investissement non orienté de ce fonds dénommé FADeC NON AFFECTES et qui laisse le large choix aux communes de les orienter vers n’importe quel secteur tout en respectant tant les critères d’éligibilité des dépenses que les procédures.
Au bout de près de deux décennies de pratiques, dans une optique évolutive et pour répondre aux besoins d’une administration tournée vers la pleine satisfaction des besoins des administrés, les communes se sont retrouvées dans le besoin de recruter des cadres et du personnel selon leurs besoins. En effet, le personnel administratif hérité des sous-préfectures ne répondait plus aux besoins des nouvelles communes qui dans leurs nouvelles tâches ont besoin des cadres de conceptions et parfois des agents d’encadrement que des agents d’exécution (ce qui est pléthorique dans le personnel des sous-préfectures). Ce recrutement parfois souffre d’objectivité à biens des endroits. Il faut signaler que depuis l’avènement de la décentralisation au Bénin, aucune commune n’a lancé officiellement un concours de recrutement ouvert à tous, si ce n’est que des tests de sélection par ci ou le recrutement par lien de parrainage politique par là. Si hormis les villes à statut particuliers et certaines communes urbaines, le problème ne se pose pas trop, dans les communes rurales, la tendance est plus vers la priorisation de la ressource humaine locale ou autochtone face à la main d’œuvre qualifiée. Hormis cette priorisation dans le recrutement, on se rend compte dans une forte proportion que la main d’œuvre nouvelle recrutée dans les communes parfois ne répond pas à une administration tournée vers l’avenir. Cela se comprend par les profils qui sont beaucoup plus généralistes que spécialistes et parfois les communes sortent ironiquement le grand jeu en préférant du personnel d’exécution sans grande qualification professionnelle (niveau CEP, BEPC ou CAP). Pour corriger ne serait-ce qu’un peu le tir, le Ministère en charge de la Décentralisation a créé le Centre de Formation pour l’Administration Locale (CeFAL). Ce centre dont le siège provisoire se trouve dans la Commune d’Abomey-Calavi forme les cadres intermédiaires (catégorie B et C) afin de leur donner les rudiments de l’administration locale pour que ces derniers puissent, même si ce n’est pas pour rivaliser avec ceux de la catégorie A nantis des diplômes universitaires, ne serait-ce qu’assumer en qualité de sachant, les rôles et attributions qui leur reviennent de par les positions et postes qu’ils occupent dans l’organigramme des différentes mairies.
En pratiquement deux décennies que le Bénin a décidé d’emprunter le chemin de la décentralisation, des progrès ont été réalisés dans plusieurs domaines notamment institutionnel, du point de vue ressources mis à disposition des communes mais aussi formation. C’est le moment de souligner l’appui non négligeable des partenaires techniques et financiers qui, en plus de mettre leurs ressources financières, accompagnent les communes à travers les formations et renforcements des capacités des différents acteurs sur différents champs de formation. En dix-sept (17) années, certains progrès ont été réalisés. Sur d’autres point le décollage continue de piétiner mais on peut se targuer de dire que le Bénin est entrain de faire sa petite expérience de ce processus destiné à amener les communautés à prendre leur destinée en main par le biais de leurs autorités qui sont désormais élus et non nommées.
Serge DONNOU
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