Sommets de l’AES et de la CEDEAO : Une Cassure Historique en Afrique de l’Ouest
Le week-end des 6 et 7 juillet 2024 a révélé une fracture sans précédent en Afrique de l’Ouest. À Niamey, l’Alliance des États du Sahel (AES) a confirmé le retrait définitif du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tandis qu’à Abuja, la CEDEAO a réagi en avertissant la troïka sur les graves répercussions de cette décision.
À Niamey, les chefs d’État de l’AES ont adopté un traité instituant une confédération entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Cette décision, motivée par un désir d’autonomie et de réponse spécifique aux défis sahéliens, soulève des questions cruciales. Bien sûr que cette confédération pourrait renforcer la coordination diplomatique et politique, parler d’une seule voix sur la scène internationale, et mutualiser les moyens pour des projets structurants dans des secteurs stratégiques tels que l’agriculture, l’énergie et les infrastructures. Cependant, ce choix comporte des risques. En se retirant de la CEDEAO, les pays sahéliens s’isolent, perdant l’accès à un marché plus vaste et à des mécanismes régionaux de soutien économique et sécuritaire. De plus, la mise en œuvre de nouveaux protocoles et infrastructures pour remplacer ceux de la CEDEAO nécessitera des ressources considérables et du temps, retardant les bénéfices escomptés.
À Abuja, la CEDEAO a mis en garde contre les graves répercussions du départ des trois pays, évoquant les risques de désintégration de la région. Dr. Umar Aliou Turay, président de la Commission de la CEDEAO, a souligné que la région n’avait jamais été confrontée à autant de défis simultanément. Les populations bénéficient d’une liberté de mouvement et d’un marché commun pour plus de 400 millions d’habitants, avec des produits locaux commercialisés librement. La désintégration perturberait la libre circulation et l’établissement des personnes, aggravant également l’insécurité régionale. Le retrait des trois pays portera un coup dur à la coopération en matière de sécurité, notamment en termes de partage de renseignements et de lutte contre le terrorisme. De plus, l’isolement diplomatique et politique sur la scène internationale est à craindre, les pays ne pouvant plus bénéficier du soutien de la CEDEAO pour des candidatures à des postes internationaux.
Ces deux sommets illustrent une mue majeure des relations inter-étatiques en Afrique de l’Ouest. La création de l’AES représente un défi pour l’unité régionale promue par la CEDEAO, tout en offrant une opportunité de répondre plus spécifiquement aux besoins des pays sahéliens. Cependant, les risques d’isolement et les défis de mise en œuvre demeurent significatifs. La CEDEAO doit naviguer entre le maintien de l’unité régionale et la reconnaissance des spécificités locales. Les mesures strictes prises à l’encontre des trois pays sahéliens pourraient se révéler contre-productives si elles ne s’accompagnent pas d’un effort de dialogue et de réconciliation.
Alors que l’Afrique de l’Ouest entre dans cette nouvelle ère de polarisation, il est important que les dirigeants privilégient la coopération et la compréhension mutuelle pour l’intérêt des communautés. Seul un effort concerté permettra de promouvoir la paix, la sécurité et le développement durable pour tous les peuples de la région.
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